Voilà ce qu’on pourrait bientôt entendre dans la bouche des plus jeunes, la génération «digital native» née un clavier greffé main gauche et un smartphone main droite.
Si 98% des jeunes français préfèrent lire sur papier plutôt que sur écran, la question est de savoir si le papier aura toujours autant d’adeptes lorsque ces “digital natives” atteindront l’âge d’être bibliophiles ?
Peut-être même que pour cette nouvelle génération, l’expression «tourner la page » sera transformée en «rafraîchir la page», plus adéquate à ce qui définit la page digitale actuelle.
Être à la page ; Tourner en boucle ; Le disque est rayé : ces expressions auront-elles seulement encore un sens demain ? Ou seront-elles devenues insolites depuis la disparition progressive de leur support ? Le mp3 ayant pris une place importante dans la consommation musicale actuelle, c’est logiquement que le marché du Compact Disc tend à disparaitre. Phénomène déjà rencontré il y a plus d’une vingtaine d’année avec l’extinction du vinyl au profit du dit-CD.
Pour le livre et l’apparition de son double maléfique : le livre numérique, il s’agit d’un fondement similaire. Véritable polémique, la dématérialisation du livre provoque aujourd’hui les mêmes débats qui ont émaillé le passage à la photographie numérique et à la musique dématérialisée. Livre papier Vs livre numérique il n’en restera qu’un, lequel ?
Et pourquoi pas les deux si l’on tient compte de données économiques et sociologique ?
Le livre papier, pièce de musée ou édition collector ?
Dans les années à venir, va-t-on observer un devenir «collector» du livre papier face au développement de son antagoniste numérique ? C’est aussi la différence : la matière. Entre papier et support digital, la matière entraine cet écart net de qualité, le papier devient un objet de luxe face à un support dématérialisé.
De fait, hypothétiquement, il n’est pas impossible que le livre numérique vienne à remplacer le livre de poche.
Le futur du livre, le Print-On Demand ?
Un rapport complet vient d’être rendu en mai par l’Association of College and Research libraries sur « les scénarios pour le futur du livre ».
Il explore 4 alternatives auxquelles peuvent être confrontées le livre. Depuis la presque disparition du livre papier au profit du numérique ou réciproquement, l’échec de l’ebook à cause d’une technologie trop chère et qui ne convainc pas les lecteurs, certaines données sont cependant communes à l’ensemble des scénarios :
- La technologie des livres imprimés ne s’éteint pas mais occupe une position, une fonction différente (rappelons-nous que même si l’électricité produit la lumière, les bougies ont conservé un statut important dans notre société…)
- Les lecteurs de livres sont moins nombreux
- Un nouveau phénomène prend de l’ampleur : le Print-On Demand (l’impression à la demande).
En 2020, la création et la publication de livres sera moins chère et plus facile. On ne trouvera plus seulement des grands noms d’auteurs : beaucoup de gens inconnus auto-publieront leurs propres livres papier pour partager leurs écrits avec des amis ou pour garder une trace des choses, des faits. Dans ces conditions l’ISBN ne sera plus une composante essentielle du livre et il existera de plus en plus de titres de livres de fiction, de nouvelles, de poèmes, de théories.
Les auteurs continueront de trouver que le livre papier est pris davantage au sérieux que son homologue numérique et les livres papier deviendront les nouvelles cartes de visite professionnelles. Laisse-moi ton livre, je te dirais ce que tu vaux.
Le monde pourrait donc continuer d’être envahi par le livre papier et ce ironiquement rendu possible par les technologies numériques.
La librairie du futur ? Une expérience entre digital et interactions physiques
Le blogueur Vincent Demulière, Consultant Librairie sur son blog «La librairie est morte, vive la… ? évoque la possibilité d’installer des bornes tactiles connectées en magasin qui permettraient d’offrir une expérience interactive au client, de commander sur internet AVEC le client et de faire interagir les libraires et les clients grâce aux médias sociaux et ce, en magasin et on line.
Les librairies du futur ressembleront-elles à ce schéma ?
Pour rivaliser avec l’achat en ligne ou compléter celui-ci, les espaces de ventes de demain doivent apporter une véritable « expérience » au visiteur, plus qu’un simple acte marchand : combiner loisir, conseils, divertissement ou apprentissage. Pourtant les librairies actuelles fournissent déjà une expérience inédite : se balader dans les allées ou les rangées et colonnes de livres s’empilent, sentir et toucher les livres neufs n’est-il pas déjà l’expérience ultime pour tout amateur de livres qui se respecte ? De plus les conseils et le suivi des libraires passionnés sont déjà très appréciables. Mais n’oublions pas qu’une librairie n’est pas une bibliothèque mais bien un commerce avec une logique de rentabilité. Aujourd’hui les prix au mètre carré dans les grandes villes sont tellement élevés que le stockage des produits est un vrai problème. Les librairies, comme les autres espaces de vente, sont touchés par la crise immobilière. Les sites comme Sarenza (pour ne citer que l’activité de la chaussure qui nécessite une large gamme de produits combinée à de nombreuses tailles et ce, dans des boites volumineuses) et autres sites de vente en ligne l’ont bien compris. Pas de boutiques matérielles, une vitrine digitale et un stock important dans des entrepôts délocalisés. Voilà le secret de la future librairie ?
On peut même imaginer que la librairie de demain n’aura qu’un seul livre en stock, celui qu’il expose. Le client passe commande et le reçoit 2 jours plus tard à son domicile. La personnalisation des livres pourrait alors jouer un rôle important.
Contenu Vs contenant ? Faux débat
Alors à la question que va devenir le livre papier ? La conclusion viendra d’un autre blogueur aux propos très pertinents, Anthony Nelzin dans son blog métro [zen] dodo, qui prétend que « La logique d’évolution du livre papier vers le numérique est valide. Le livre numérique est le successeur du livre de poche comme meilleur vecteur de transmission synchronique. Reste à répondre à l’impératif de transmission diachronique, d’héritage du contenu : peut-être faut-il garder un objet-livre à des fins d’archivage (le luxe favorisant la conservation), comme on a conservé la photographie argentique et la musique sur support matériel. Quoiqu’il en soit, aujourd’hui, le livre numérique est le livre.».
Il est donc possible que d’ici peu, il faille «tourner la page» d’une habitude de consommation mais pas du support en tant que tel.